Contenu Menu Aide et Accessibilité
La sculpture
La gravure
La peinture
La polychromie associée à la gravure et à la sculpture pariétales a retenu l’attention de Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod dès les premières découvertes de l’art du Roc-aux-Sorciers. Ces vestiges ont été souvent mentionnés et parfois décrits, mais ce n’est que depuis peu qu’ils bénéficient d’études plus approfondies.
Blocs analysés. a : Sabot sculpté et peint en noir. b : Bloc à gravures fines. c : Tête de bison sculptée et peinte en rouge et noir. d : Tête de cheval sculptée et peinte en rouge. e : Blocs à ponctuations rouges, noires et jaunes. f : Tête humaine sculptée, gravée et peinte en rouge et noir
© RMN, C2RMF, ill. Isabelle Auzanne.
Trois couleurs sont remarquables au Roc-aux-Sorciers : le rouge, le noir et le jaune, se déclinant chacun en différentes teintes. Pour les matières picturales qui ont été analysées1 (quinze échantillons prélevés sur six des blocs effondrés de la cave Taillebourg), ces couleurs ont été obtenues à partir de trois types de pigments correspondant aux matières colorantes mises au jour sur le site : des oxydes de manganèse pour les teintes noires, des oxydes de fer (ocres, hématite) pour les teintes rouges et jaunes, et des ocres pour les teintes rouges.
L’argile, présente dans la composition élémentaire des quinze échantillons analysés, paraît constituer une association récurrente sur le site. Sur au moins neuf des échantillons, elle joue le rôle de charge, ce qui permet d’envisager l’existence d’une recette de fabrication de la matière picturale. Ces argiles n’étant pas toutes de même composition, elles pourraient être révélatrices de l’existence de différents « pots de peinture ».
Sur les six blocs étudiés, deux grandes tendances s’imposent dans la fabrication des matières picturales : une simple utilisation de pigment naturel sur trois blocs, et un mélange plus complexe de pigment naturel et d’argile jouant un rôle de charge sur trois autres blocs. Ces trois derniers blocs sont par conséquent à mettre en relation ; pour deux d’entre eux qui présentent chacun une figuration réaliste (une tête de bison et le portrait d’un homme dit « le Sorcier »), on observe des similitudes de traitement : la couleur a servi à rehausser le relief sculpté et à accentuer certains détails anatomiques. Il y a donc concordance entre la technique de fabrication de la matière picturale et le rôle de la couleur.
Ces différentes constatations laissent supposer des stratégies conditionnant l’utilisation des pigments. Les artistes du Roc-aux-Sorciers connaissaient et maîtrisaient les minéraux présents dans leur environnement et ont sélectionné les pigments qui leur paraissaient les plus appropriés. Certains ont été utilisés à l’état brut, et d’autres intégrés à des préparations selon une seule et même recette ; il y a donc eu des stratégies d’approvisionnement différentes, ce qui est suggéré par l’existence de différents « pots de peinture ». Tous ces éléments contribuent à renforcer l’idée d’une organisation élaborée autour de la pratique artistique.
L’emploi de pigment brut d’origines diverses ou de matières picturales préparées permet d’envisager que ces choix pouvaient être liés à la tradition culturelle d’un groupe, à moins que ces dissemblances ne témoignent de moments de réalisation différents.
1 I. Auzanne, « La couleur sur le site du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Vienne) : caractérisation des matières picturales utilisées par les artistes magdaléniens dans la cave Taillebourg », mémoire de DEA, spécialité préhistoire, université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001, 63 p., ill. ;
I. Auzanne, E. Desroches et G. Pinçon, « Bilan d’interventions sur le site magdalénien du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (86, France) : restauration, analyse de la polychromie et relevé numérique 3D », L’Art avant l’Histoire, la conservation de l’art préhistorique, 10ème journée d’études de la section française de l’Institut international de conservation (SFIIC), Paris, 23-24 mai 2002, p. 221-241, ill. ;
I. Auzanne et O. Fuentes, « Le “sorcier” du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (Vienne, France) : nouveaux éléments d’analyse », Antiquités nationales, n° 35, 2003, p. 41-54, ill.
Auteurs : Isabelle Auzanne, Aurélie Abgrall
© Réunion des musées nationaux – 2009