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Les fouilles de Lucien Rousseau (1927-1939) ont permis d’identifier, pour la troisième fois dans la Vienne après les grottes du Chaffaud à Civray et la grotte des Fadets à Lussac-les-Châteaux, la culture du Magdalénien moyen à sagaies de Lussac-Angles1, reconnue également plus tard à la grotte de La Marche (Lussac-les-Châteaux, Vienne) par Léon Péricard et Stéphane Lwoff.
Le matériel mis au jour à Angles-sur-l’Anglin par Lucien Rousseau relate une occupation assimilée à un habitat en pied de falaise, en avant de la grotte dont l’entrée au début des fouilles « ne mesurait qu’un mètre de hauteur environ2 ».
La couche archéologique relativement épaisse apparaît mêlée : « L’épaisseur de la couche archéologique formée par les occupants de la grotte a été augmentée par l’apport de ce sable alluvionnaire dans lequel le mobilier est disséminé par brassage du courant3. »
Lucien Rousseau mentionne de façon très succincte dans son article de 1933 des plaquettes gravées et une dalle sur laquelle un mammouth aurait été lu par l’abbé Breuil. Il fouille un remplissage où « les éboulements successifs de morceaux de calcaire détachés de la falaise constituent au pied de celle-ci un amoncellement de débris, s’élevant à environ 7 ou 8 mètres au-dessus du niveau de la rivière ». […] « Ils sont parsemés de gros blocs et remplissent la grotte encore en grande partie4. » Mais il ne repère pas les blocs sculptés.
Aperçu des couches archéologiques perturbées par l'effondrement du plafond de la cave Taillebourg
© MAN, fonds Saint-Mathurin.
Les fouilles de Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod dès 1947 témoignent d’une grande complexité stratigraphique. En effet, les couches en amont, côté cave Taillebourg, ont été fortement perturbées par l’effondrement qui a rendu les fouilles particulièrement complexes en raison de l’amoncellement de nombreux blocs de grandes dimensions.
L'abri Bourdois, ici au temps des fouilles, montre une stratigraphie qui n'a pas souffert de l'effondrement
© MAN, fonds Saint-Mathurin.
L’abri Bourdois a moins souffert de cette période d’effondrement. Il est un témoin assez unique offrant encore aujourd’hui l’art pariétal dans son contexte archéologique. Sa stratigraphie montre une succession de couches archéologiques de l’époque magdalénienne, qui se partage en deux ensembles principaux : le Magdalénien moyen et le Magdalénien supérieur.
Suzanne de Saint-Mathurin a atteint, dans la partie amont de l’abri Bourdois, le sol rocheux sur lequel reposait une première couche définie par les fouilleurs comme une couche rouge inégalement répartie sur le site, parfois absente (RSE). Des vestiges archéologiques reposent au-dessus de celle-ci. Sur toute la surface dégagée, la « couche des grands foyers noirs » (RSD) a été mise au jour.
Coupe frontale schématique de l'abri Bourdois, d'après S. de Saint-Mathurin, 1976
© Geneviève Pinçon, ministère de la Culture, ill. A. Abgrall.
On peut penser que cette couche correspond à l’occupation principale des Magdaléniens qui se sont installés le long de la paroi, marquant leur présence par des foyers importants, signalés pour certains sur la roche mère et associés à beaucoup de matériel typique du Magdalénien moyen. Ces observations sont confirmées par l’étude récente du matériel archéologique, qui montre que l’essentiel de l’art mobilier est issu des couches du Magdalénien moyen ; les rares pièces d’art mobilier du Magdalénien supérieur sont d’une tout autre nature.
La connaissance de l’occupation magdalénienne du Roc-aux-Sorciers reste malgré tout partielle, les fouilles n’ayant affecté qu’une partie du gisement. En effet, un volume important a été dégagé dans la cave Taillebourg, laissant intacte pour les générations futures toute la partie en avant du surplomb de l’abri, côté rivière. Le secteur reliant les deux parties du site est encore intact, seul un travail de repérage de sculpture pariétale retrouvée par Suzanne de Saint-Mathurin l’ayant touché. Il constitue une réserve archéologique. Enfin, la fouille de l’abri Bourdois n’a atteint le socle que devant les panneaux des bouquetins, sur seulement quelques mètres d’avancée. Plus en amont, les couches du Magdalénien moyen restent en grande partie à fouiller : les prospections Radar réalisées par Olivier Maas suggèrent un enfouissement encore conséquent dans la partie aval du gisement5.
C’est donc sur cette approche partielle que se base l’analyse des répartitions du matériel qui, si elle nous éclaire déjà sur la spatialisation de certaines occupations, peut bien sûr être remise en question à l’issue de nouvelles fouilles et donc de nouvelles données sur ce gisement.
Le matériel découvert côté amont (cave Taillebourg) est comparable à celui des niveaux inférieurs de la partie aval (abri Bourdois), même si différentes concentrations se déclinent, comme le montre l’étude du mobilier. Ce matériel attribué au Magdalénien moyen se caractérise par de nombreuses sagaies de Lussac-Angles6 auxquelles sont associés d’autres outils en matière dure animale plus courants. Il est également comparable à celui mis au jour par les fouilleurs de La Marche à Lussac-les-Châteaux (Vienne), où l’essentiel du mobilier provient d’une épaisse couche attribuée au Magdalénien moyen. La similitude des deux gisements est très forte, La Marche étant riche de ses milliers de plaquettes gravées, et le Roc-aux-Sorciers de son art pariétal sculpté monumental. Ce Magdalénien moyen, dit « à sagaies de Lussac-Angles », se retrouve dans d’autres sites à Lussac-les-Châteaux, ou encore récemment au Taillis des Coteaux à Antigny7, mais aussi dans plusieurs gisements de Charente.
Description de la stratigraphie proposée par Suzanne de Saint-Mathurin :
1 V. Dujardin et G. Pinçon, « Le Magdalénien en Poitou-Charentes », Table ronde du Paléolithique supérieur récent, Chambéry 12-13 mars 1999, 2001.
2 L. Rousseau, « Le Magdalénien dans la Vienne. Découverte et fouille d’un gisement du Magdalénien à Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 30, 1933, p. 5.
3 L. Rousseau, « Le Magdalénien dans la Vienne. Découverte et fouille d’un gisement du Magdalénien à Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 30, 1933, p. 6, note 2.
4 L. Rousseau, « Le Magdalénien dans la Vienne. Découverte et fouille d’un gisement du Magdalénien à Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 30, 1933, p. 5.
5 O. Maas, in : Angles-sur-l’Anglin (Vienne). Le Roc-aux-Sorciers : ses occupants les Magdaléniens et leur rapport à l’art, dir. par G. Pinçon, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011, à paraître.
6 G. Pinçon, « Fiche sagaies de Lussac-Angles », Fiches typologiques de l’industrie osseuse préhistorique, Commission de nomenclature sur l’industrie de l’os préhistorique, cahier I, université de Provence, 1988.
7 J. Primault, « La grotte du Taillis des Coteaux à Antigny (Vienne) : découverte et premiers résultats », Bulletin de l’Association des archéologues de Poitou-Charentes, n° 32, 2003, p. 19-21 ; J. Primault, L. Brou, J. Gabilleau et M. Langlais, « La grotte du Taillis des Coteaux à Antigny (Vienne) : intérêts d’une séquence originale à la structuration des premiers temps du Magdalénien », Bulletin de la Société préhistorique française, t. 104, n° 4, 2007, p. 743-758.
Auteur : Geneviève Pinçon
© Réunion des musées nationaux – 2009