Contenu Menu Aide et Accessibilité
Dès la mise au jour des œuvres pariétales, Suzanne Cassou de Saint-Mathurin utilise différents moyens pour leur enregistrement : les photographies sur plaque de verre, les films 8 mm, les croquis, les moulages. Depuis la reprise de l’étude de l’art pariétal du Roc-aux-Sorciers, nous exploitons également plusieurs méthodes destinées à archiver, étudier et restituer les œuvres pariétales gravées, sculptées et peintes : photographies (noir et blanc, couleur, panoramique et infrarouge), traitement informatique des clichés, photogrammétrie, relevés graphiques analytiques directs sur film plastique, avec codage de l’information, relevés graphiques d’après orthophotographies tirées à l’échelle 1, moulage de l’ensemble de la paroi, hologramme, numérisation 3D, croquis et modelages d’artistes.
Le principal obstacle rencontré réside dans les dimensions des œuvres pariétales encore in situ, la présence de sculptures avec des contre-dépouilles, de gravures fines et profondes, et de vestiges de peinture.
Chacune de ces méthodes, à des degrés divers, permet de recueillir des données primaires, c’est-à-dire non interprétées, objectives. Cependant, en fonction des méthodes employées, la donnée résultante est déjà plus ou moins interprétée selon le regard de l’opérateur (photographe, scientifique) et selon l’étendue de la partie retenue de l’œuvre : intégrale (base de données 3D1, moulage, relevé graphique analytique, prise de vue photogrammétrique) ou échantillonnée (hologramme, photographies, films, restitution photogrammétrique).
Ces données constituent un ensemble documentaire, unique mais dispersé, qu’il est nécessaire d’archiver par un catalogage raisonné. Chaque type de document a des contraintes de conservation propres, parfois déjà bien analysées (phototypes), parfois en cours d’évaluation (archives numériques).
Les documents obtenus sont le support d’analyses et d’interprétations. Tout recueil de données s’accompagne de « minutes » de terrain qui précisent l’auteur, le mode d’enregistrement et ses caractéristiques, ainsi qu’une première interprétation brute. La qualité de l’intervention sur cette donnée résulte de la confrontation des techniciens et des spécialistes. Ce fut le cas notamment pour le relevé photogrammétrique (couple technicien/chercheur) ou encore pour les relevés graphiques analytiques avec deux équipes qui confrontent leurs relevés sur le terrain. Ce croisement des compétences permet une interprétation plus riche et plus objective. Le document ainsi validé est pérenne et peut être soumis aux interprétations du spécialiste, sur lesquelles il reste possible de revenir à tout moment, en fonction de l’évolution de la recherche sur le site d’Angles-sur-l’Anglin, ou, plus largement, sur l’art pariétal paléolithique et la préhistoire.
L’intérêt de conduire de telles analyses est de pouvoir les restituer à différents usagers, scientifiques, amateurs, grand public. Le croisement des technologies autorise de multiples formes, contenus et restitutions : publications papier ou électroniques, documents pédagogiques, restitution du site, virtuelle ou en grandeur réelle.
L’exploitation de ces ressources permet des restitutions variées : l’œuvre en tant que telle aux échelles et sur le support souhaités, ainsi que ses diverses hypothèses et interprétations. Les reconstitutions de la frise et de son évolution au cours du temps s’appuient sur des simulations et des modélisations : interprétations plastiques, promenades virtuelles le long de la frise, variations des éclairages, interprétation des retailles avec possibilité de proposer différents états maintenant détruits de l’œuvre, etc.
Dans le cadre des recherches que nous menons, le « relevé » est un outil précieux pour répondre aux problématiques de recherche et d’analyse que posent les abris sculptés, occupés au cours du Magdalénien moyen.
Étape indispensable dans la démarche scientifique en art pariétal, le relevé aide à la lecture et aux nouvelles interprétations. Il s’appuie sur une analyse fine de la paroi et le décryptage des différents stigmates qui l’affectent. Il met en valeur le « polymorphisme technologique » des traits sculptés, gravés et peints, ainsi que des accidents naturels, la préparation éventuelle du support par les artistes, les érosions, les dégradations anthropiques ou non des surfaces. Il permet alors d’appréhender les différentes étapes de réalisation des œuvres, leurs reprises et leur évolution au cours du temps2.
Charte graphique appliquée aux relevés analytiques des œuvres pariétales
© Geneviève Pinçon, Guliver Design, Roc-aux-Sorciers.
La transcription des faits observés sur la paroi a demandé la mise en place de conventions graphiques et l’application d’une charte graphique. Il s’agit de distinguer les éléments naturels (relief naturel, fissures ou fractures anciennes et récentes, calcite, cupules de gel, écailles...) des éléments anthropiques (gravures, reliefs anthropiques, traces de sculpture, traces de débitage et d’épannelage, éléments de reprise de sculpture, raclages, piquetages, vestiges d’une préparation de surface, colorations). Les conventions de relevé pour la peinture (pointillés plus ou moins denses selon la densité des teintes) et pour la gravure (trait continu dont la largeur peut varier et rendre un relief d’un bord par un éclairage rasant) s’appuient sur les conventions classiques utilisées pour l’étude des grottes à peintures et gravures. Pour le relevé de la sculpture anthropique, nous définissons trois types de traits épais : un continu, marquant la limite supérieure du bord supérieur du relief, un discontinu, soulignant la ligne inférieure du relief, et une ligne pointillée délimitant la limite de la zone de dégagement du volume.
Le relevé graphique analytique est par ailleurs toujours associé à d’autres techniques de relevés complémentaires comme la photographie.
La numérisation du relevé graphique analytique obtenu fournit un support idéal pour réaliser un « relevé vecteur » apte à aider l’analyse et l’interprétation des œuvres magdaléniennes. L’exploitation du « relevé vecteur » à l’aide d’un logiciel de dessin et de la « bibliothèque de formes » qu’il permet de créer apporte des éléments de réponse aux phénomènes de succession et d’évolution des formes, qui éclairent sur la nature même de l’occupation de l’abri-sous-roche sculpté.
1 C. Bourdier, O. Fuentes, G. Hamon et G. Pinçon, « Technologies 3D appliquées à la sculpture pariétale magdalénienne », 132ème Congrès National des Sociétés Historiques et Scientifiques, Arles 2007, p. 123-14
2 S. Tymula, L’Art du Roc-de-Sers (Charente) dans son contexte solutréen, Paris, Maison des sciences de l’homme, « Documents d’archéologie française », 91, 2002, p. 134.
Auteurs : Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, Camille Bourdier, Aurélie Abgrall, Véronique Dujardin
© Réunion des musées nationaux – 2009