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Les représentations humaines
Les attitudes des sujets
Le troupeau des bouquetins (saisonnalité)
Les anneaux
L'art pictural
Au Roc-aux-Sorciers, les figures se côtoient et se mêlent pour créer une véritable composition d’ensemble. Les animaux semblent aller tous dans la même direction, créant ainsi une lecture homogène de la frise. La disposition d’anneaux taillés sur les arêtes naturelles de la paroi permet une lecture plus segmentaire des panneaux figurés.
Au milieu de cet art essentiellement animalier, apparaissent des représentations humaines qui détonnent par leur monumentalité et leur réalisme. Loin de casser le rythme de lecture et l’harmonie figurative, les figures humaines s’insèrent parfaitement dans l’art pariétal du Roc-aux-Sorciers.
Leur style et leur expression donnent à ce site un caractère particulier, unique en son genre. Il ne s’agit pas de figures anonymes, déformées ou imaginaires, mais de représentations humaines très détaillées et réalistes. Ce réalisme recherché dans le rendu de leur propre image nous renvoie comme par un effet de miroir la manière dont les occupants magdaléniens du Roc-aux-Sorciers se représentaient.
Il s’agit d’un choix artistique bien particulier des Magdaléniens du Roc-aux-Sorciers, celui de traiter leur image sans détours et sans déformation.
Les représentations humaines au Roc-aux-Sorciers présentent des variabilités formelles et techniques très riches, montrant ainsi les grandes libertés prises pour le traitement artistique de ce thème. Contrairement aux figures animales, toujours de profil ou quelque peu de trois quarts, les représentations humaines, variées, sont figurées de face comme de profil. Les nez peuvent être bien marqués en forme de pied de marmite1, ou au contraire fins et pointus. Le prognathisme des faces au Roc-aux-Sorciers est visible sur certaines figures.
Cette thématique s’insère parfaitement dans le contexte iconographique du site comme les premières études l’ont montré2. En effet, la frise constitue un ensemble pariétal très cohérent dans lequel chaque figure tient une place précise. Sur la paroi sculptée de l’abri Bourdois, une quinzaine de figures humaines peuvent être individualisées. Sur les blocs conservés au musée d’Archéologie nationale, cinq représentations humaines ont été déchiffrées3. Sur la paroi de l’abri Bourdois, en comptabilisant deux profils hypothétiques, neuf représentations humaines sont repérées.
Ces figures offrent des techniques d’exécution très variées, des échelles différentes, mais elles ont toutes en commun une tendance au réalisme des traits anatomiques. Les femmes sculptées sur paroi trouvent également leur pendant dans l’art mobilier avec une figure de femme en ronde bosse.
Les représentations féminines issues de ce gisement sont à rapprocher de celles d’autres sites selon différents registres, selon qu’il s’agit d’art mobilier ou pariétal, de figurations réalistes ou schématisées, et selon le nombre de représentations concernées4. En effet, les figures féminines pariétales prises dans leur composition d’ensemble sont uniques en leur genre. En même temps, elles sont classiques et révèlent leur appartenance à un fond commun par l’association femme-bison et la représentation géométrique du triangle pubien. Les représentations féminines mises au jour au Roc-aux-Sorciers présentent donc des sujets aux aspects communs à ce thème tout au long du Paléolithique supérieur (comme le triangle pubien géométrisé). Mais elles comptent également des sujets singuliers, comme des figurations féminines stylisées vues de profil, qui rejoignent un ensemble de figurations dont la répartition spatio-temporelle renvoie à la notion de territoire culturel. Elles incluent également un profil original, une figuration féminine vue de face, dont on retrouve une représentation très semblable à Rochereil, un site du Magdalénien final de Dordogne. Il arrive donc que des motifs artistiques se retrouvent comme répétés en des lieux et des moments divers. Sont-ils les témoins de territoires culturels aux emprises entremêlées, dépendant de différentes échelles d’influence des identités culturelles ? Les œuvres mobilières, par leur aspect véritablement mobile, permettent d’aborder des notions relatives à la circulation des objets sur un territoire, mais rendent plus difficile l’appréhension du partage des concepts.
Dans un site où l’art pariétal et mobilier est marqué par le traitement réaliste des figures, les représentations humaines contribuent activement à cette caractéristique du style du Roc-aux-Sorciers. Le réalisme et le naturalisme des œuvres tant animalières qu’humaines permettent de rapprocher ce site de celui de La Marche (Lussac-les-Châteaux) et de caractériser un Magdalénien moyen de « Lussac-Angles », notamment à travers ses représentations humaines.
Il semble qu’au Roc-aux-Sorciers, au Magdalénien moyen, les occupants du site aient choisi de se représenter d’une certaine manière, en accord avec la tradition artistique du site. Mais l’étude des figures humaines permet d’aller un peu plus loin dans la compréhension de la nature de l’occupation au Roc-aux-Sorciers. Les quelques différences dans le choix de figurer l’humain, de face, de profil, avec de nombreux détails ou avec une stylisation des traits, voire une schématisation simpliste de ces derniers, montrent bien que, malgré une certaine homogénéité artistique, les figures humaines peuvent véhiculer des influences et des modes de représentations plus variés.
Ces particularismes des symboles graphiques nous amènent à subdiviser les aires fréquentées par l’homme au Magdalénien et à tenter des approches territoriales plus fines, à l’échelle de groupes plus restreints5.
Les représentations humaines
Les représentations humaines dans l’art pariétal
Les représentations humaines dans l’art mobilier
1 L. Pales et M. Tassin de Saint-Péreuse, Les Gravures de La Marche, tome II : Les Humains, Paris, Orphys, 1976, 178 p., 42 fig., 188 pl.
2 L. Iakovleva, G. Pinçon, Angles-sur-l’Anglin (Vienne). La Frise sculptée du Roc-aux-Sorciers, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, Réunion des musées nationaux, 1997, p. 137-143.
3 S. Cassou de Saint-Mathurin, « Angles-sur-l’Anglin, Vienne. L’abri magdalénien du Roc-aux-Sorciers », IXe congrès UISPP, Livret-guide de l’excursion A4 : Sud-Ouest (Aquitaine et Charente), Nice, 1976 ;
L. Iakovleva, G. Pinçon, Angles-sur-l’Anglin (Vienne). La Frise sculptée du Roc-aux-Sorciers, Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques, Réunion des musées nationaux, 1997, 1997, p. 137-143 ;
O. Fuentes, « La question du réalisme dans l’art paléolithique et le problème de l’identité culturelle à travers l’étude des têtes humaines isolées des sites magdaléniens du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Vienne) et de La Marche (Lussac-les-Châteaux, Vienne) », mémoire de maîtrise, spécialité préhistoire, université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2000, 115 p., ill., XV annexes. ;
I. Auzanne et O. Fuentes, « Le “sorcier” du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (Vienne, France) : nouveaux éléments d’analyse », Antiquités nationales, n° 35, 2003, p. 41-54, ill. ; Pinçon, 2006(1).
4 G. Pinçon, « À la recherche du cheminement d’idées au cours du Magdalénien : essai sur les représentations féminines du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Vienne) », Arts et cultures de la préhistoire, Paris, éd. du Comité des travaux historiques et scientifiques, « Documents préhistoriques », 24, 2007, p. 55-63.
5 O. Fuentes, « L’Homme schématisé : l’apport des représentations humaines à la caractérisation du Magdalénien “à navettes” », Données récentes sur le Magdalénien de “La Garenne” (Saint-Marcel, Indre). La place du Magdalénien “à navettes” en Europe, Actes du colloque d’Argenton-sur-Creuse, 7-9 octobre 2004, Projet collectif de recherche « Le Paléolithique de la vallée moyenne de la Creuse, le Coteau de la Garenne », Bulletin de l’Association pour la sauvegarde du site archéologique d’Argentomagus et Amis du Musée, numéro spécial 2, 2009, 256 p.
Auteurs : Oscar Fuentes, Geneviève Pinçon
© Réunion des musées nationaux – 2009, mise à jour 2010.