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La sculpture
La gravure
La peinture
Au cours du Magdalénien moyen, au Roc-aux-Sorciers, le seul lieu propre à supporter des œuvres sculptées et gravées sans aménagement préalable était la voûte de la cave Taillebourg, avec sa surface saine mais irrégulière. En revanche, les parois de cette cave et de l’abri Bourdois étaient gélifractées en petits dièdres, impropres à toute utilisation comme support. Or, la sculpture de grandes dimensions demande une surface la moins fracturée possible ; aussi les Magdaléniens ont-ils été obligés de s’affranchir de toutes les fracturations de surface liées à la décompression des terrains et à la gélifraction des roches. Seule la fracturation tectonique affectant la masse rocheuse ne pouvait être évitée. Les sculpteurs ont cherché à atteindre la roche massive peu fracturée, plus apte à être gravée et sculptée.
Dans un premier temps, les Magdaléniens ont déblayé facilement la masse de calcaire gélifracté. Celle-ci, particulièrement épaisse au fond de la cave Taillebourg, a été conservée localement. Les artistes ont atteint la masse de calcaire décomprimé en grandes écailles, sur laquelle ils ont gravé finement d’abondantes figures entremêlées.
Dans un second temps, afin de disposer d’une grande surface assez homogène pour recevoir des œuvres sculptées dans l’abri Bourdois, les Magdaléniens ont fait chuter d’emblée tous les blocs prêts à tomber et ont arraché les écailles par martelage et par élargissement des fissures de décompression. Ce travail de dégagement de paroi est mis en évidence par la présence des morceaux d’écailles à surfaces gravées, retrouvés dans les couches d’occupation du Magdalénien moyen. Au fur et à mesure de la purge de la paroi, l’enlèvement des écailles de décompression et des dièdres tectoniques de plus en plus massifs a nécessité l’élargissement des fractures et des fissures.
Creusement d'encoignures entre les pattes du bison Bi1 de l'abri Bourdois
© Geneviève Pinçon, ministère de la Culture.
À l’heure actuelle, les traces de ces aménagements sont bien visibles sur la paroi de l’abri Bourdois : creusement d’encoignures, tentatives d’arrachement de blocs, élargissement de fractures, etc. Au final, il ne reste que très peu de surface originelle, la quasi-totalité de la paroi ayant été aménagée par les Magdaléniens. Après arrachement des blocs, la finition des parois en surface régulière est obtenue par piquetage et martelage systématique de la roche1. Ce travail devait être relativement aisé sur une surface fraîchement dégagée.
Buchage de la vénus Vé5 au profit du bouquetin Bo5 à l'aide d'un gros pic dans l'abri Bourdois
© Geneviève Pinçon, ministère de la Culture.
Des traces d’aménagement de nouvelles parties de la paroi aux dépens des sculptures déjà existantes ont de surcroît été remarquées. Cette tentative semble avoir été menée pour obtenir, après destruction du panneau des vénus, une grande surface apte à prolonger le registre aux bouquetins. La surface supportant le félin Fé2 a été dressée par piquetage après arrachement de blocs de la zone faillée entre les zones figuratives 5 et 6. Une tentative de reprise de paroi plus importante a été engagée en creusant un défermage sur une fracture près du félin Fé2 sur une profondeur de 4 cm à l’aide d’un pic, identique à celui qui a servi pour façonner les félins Fé1 et Fé2 ainsi que la tête Tê2.
Outre ces pics, souvent mentionnés dans la littérature comme les principaux outils des sculpteurs préhistoriques, les artistes magdaléniens du Roc-aux-Sorciers ont probablement utilisé des galets pour travailler la paroi. Suzanne de Saint-Mathurin en a effectivement mis au jour un nombre considérable durant ses fouilles ; ils sont actuellement conservés dans l’abri Bourdois. La mise en relation de ces outils avec la réalisation des sculptures pariétales a pu se faire grâce à la confrontation de l’analyse technologique de la paroi rocheuse2 avec l’étude de l’outillage sur galet, comprenant son analyse tracéologique couplée à des essais de reconstitution expérimentale effectués à proximité, sur une paroi de même type3. Ces galets sont pour la plupart en quartz. Leurs dimensions et poids variables ainsi que les différents stigmates qu’ils portent suggèrent que ces outils sont intervenus à différents stades dans l’élaboration des sculptures pariétales : ainsi, les galets massifs ont vraisemblablement servi de percuteurs pour préparer la paroi par martelage et la débarrasser du calcin ; les percuteurs moins volumineux ont pu servir à enlever de la matière autour des volumes à dégager, dans un travail de piquetage plus précis et plus fin que précédemment, le calcaire sous-jacent au calcin étant plus tendre ; les galets avec négatifs d’enlèvement et les éclats de quartz avec traces d’écrasement sur le fil de leurs tranchants ont pu servir à délimiter le contour des figures par raclage mais aussi à régulariser sommairement les surfaces sculptées ; enfin, les galets de quartzite et de grès avec leurs faces aplanies par usage ont probablement servi à régulariser les surfaces sculptées et peut-être à les enduire de matière colorante pour ceux qui sont maculés de rouge.
Au sein du large panel d'outils typiques du Magdalénien, certains objets peuvent être mis en relation avec ces réalisations artistiques.
1 S. A. de Beaune et G. Pinçon, « Approche expérimentale des techniques magdaléniennes de sculpture pariétale : le cas d’Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », Préhistoire et approche expérimentale, dir. par L. Bourguignon, I. Ortega et M.-C. Frère-Sautot, Montagnac, M. Mergoil, coll. « Préhistoire », 5, 2001, p. 67-75, ill.
2 L. Iakovleva, G. Pinçon, Angles-sur-l’Anglin
(Vienne). La Frise sculptée du Roc-aux-Sorciers,
Paris, Comité des travaux historiques et scientifiques,
Réunion des musées nationaux, 1997, p.
23-84 ;
G. Pinçon, Le
Roc-aux-Sorciers (Vienne). Étude et relevés d’art
pariétal, rapport d’activités intermédiaire, 1998,
77 p., ill. ;
G. Pinçon, Le
Roc-aux-Sorciers (Vienne). Étude et relevés d’art
pariétal, rapport d’activités intermédiaire, 1999,
43 p., ill.
3 S. A. de Beaune et G. Pinçon, « Approche expérimentale des techniques magdaléniennes de sculpture pariétale : le cas d’Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », Préhistoire et approche expérimentale, dir. par L. Bourguignon, I. Ortega et M.-C. Frère-Sautot, Montagnac, M. Mergoil, coll. « Préhistoire », 5, 2001, p. 67-75, ill.
Auteurs : Geneviève Pinçon, Jacqueline Lorenz, Jean-Pierre Gély, Sophie de Beaune
© Réunion des musées nationaux – 2009