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La microfaune : les rongeurs
L’industrie osseuse
Lindustrie en ivoire
L’industrie en ivoire de proboscidien, plus précisément de mammouth, est représentée par 32 parures façonnées et par 29 pièces entières ou fragmentées.
Celles-ci sont des fragments d’objets finis (20) dont une éventuelle ébauche de sagaie de Lussac-Angles et un fragment de petite pendeloque ; 6 restes témoignant de procédés de débitage (2 matrices, 3 fragments/éclats, 1 support sur baguette) auxquels il convient d’ajouter 3 fragments indéterminés. L’ensemble provient de la cave Taillebourg, excepté 2 pièces découvertes dans l’abri Bourdois. La majeure partie des pièces en ivoire appartient au Magdalénien moyen et seulement 3 pièces proviennent du Magdalénien supérieur.
Les états de surface de cette série sont relativement bons, mais le problème majeur de cette dernière réside dans son état de fragmentation, essentiellement lié à la structure de l’ivoire.
Les publications sur les procédés de débitage de l’ivoire étant très peu nombreuses, le matériel du Roc-aux-Sorciers offre pour le Magdalénien quelques éléments nouveaux participant à un début de compréhension des chaînes de transformation de ce matériau relativement rare à cette période.
L’ivoire travaillé au Roc-aux-Sorciers semble être un ivoire sub-fossile, comme plusieurs indices l’indiquent : présence sur certains déchets de faces de délitage antérieures au débitage et utilisées comme surface de détachement ; surfaces convexes de désquamage observées sur la face supérieure des extrémités de baguettes restées attachées aux matrices. Certaines observations antérieures concernant l’acquisition d’ivoire sub-fossile par collecte sont ainsi confirmées1. Cela concorde aussi avec l’extrême rareté, voire l’absence, de mammouths contemporains des occupations magdaléniennes en France.
Les restes de débitage appartiennent tous à un schéma de transformation par extraction. Les techniques mises en œuvre sont les mêmes que celles observées généralement au Magdalénien pour l’industrie en os et en bois de cervidé : double rainurage et percussion. Mais, sur les pièces en ivoire du Roc-aux-Sorciers, le rainurage ne joue qu’un rôle partiel dans le détachement et reste superficiel par rapport à l’épaisseur du bloc de matière première, ce qui est fondamentalement différent des extractions effectuées sur le bois de cervidé : dans le cas de l’ivoire, les rainures délimitent grossièrement la portion à prélever, mais c’est le détachement, probablement réalisé par percussion indirecte, qui détermine la dimension et la morphologie finale du support, ce qui ajoute une part d’aléatoire à ce procédé de débitage. De ce point de vue, les supports du Roc-aux-Sorciers sont plus proches de certaines productions aurignaciennes ou gravettiennes que de celles, nettement plus standardisées, connues au Magdalénien.
Seconde particularité de l’extraction des baguettes en ivoire au Roc-aux-Sorciers, la productivité des matrices. Grâce à leur volume, les extractions peuvent être multiples, le même bloc permettant le prélèvement de plusieurs baguettes dans l’épaisseur de celui-ci, ce qui n’est à notre connaissance jamais le cas de l’industrie sur os ou bois de cervidé.
La principale technique de façonnage attestée est le raclage, qui permet d’approcher progressivement la morphologie voulue. L’abrasion est très peu présente. Enfin, la segmentation intentionnelle des supports est obtenue par un sciage, souvent périphérique ou semi-périphérique, utilisé assez systématiquement et parfois associé à un léger amincissement par raclage. Mais en aucun cas le rainurage n’a été choisi.
Quant aux objets abandonnés – et peut-être fabriqués – sur le site, ils reflètent une certaine monotonie : il s’agit essentiellement de pièces appointées et biseautées dont la fonction s’apparenterait plutôt à des outils qu’à des armes (à l’exception de l’éventuelle ébauche de sagaie de Lussac-Angles). Toutefois, de nombreuses pièces sont des fragments de fûts dont la fonction reste indéterminée puisque leurs parties distales et proximales font défaut. Ces pièces sont de dimensions nettement supérieures à celles généralement observées pour les baguettes magdaléniennes en os ou en bois de cervidé.
Enfin, relevons l’absence de pièces en ronde bosse, si typiques de l’utilisation de l’ivoire dans l’art mobilier paléolithique européen. Cette constatation est peut-être à mettre en relation avec la présence de rondes-bosses en calcaire dans les couches du Magdalénien moyen et des sculptures sur la paroi de l’abri.
1 M. Christensen, Technologie de l’ivoire au Paléolithique supérieur. Caractérisation physico-chimique du matériau et analyse fonctionnelle des outils de transformation, Oxford, BAR International Series, n° 751, 1999, 201 p., ill.
Auteur : Marianne Christensen
© Réunion des musées nationaux – 2010