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Plusieurs outils lithiques non taillés ont été ramassés par Suzanne de Saint-Mathurin et sont aujourd’hui conservés au musée d’Archéologie nationale. Nous avons pu décompter 10 lampes et/ou godets, 6 galets perforés et facettés (appelés « cousoirs » par Suzanne de Saint-Mathurin, et que nous rangeons dans la catégorie des « lissoirs à facettes »), 6 galets ou petits blocs portant des traces d’impacts (que nous considérons comme des maillets), 2 petits galets circulaires qui sont sans doute des molettes, une plaquette légèrement concave qui pourrait être un fragment de meule, et un petit bloc qui a pu servir d’aiguisoir ou de polissoir.
Ces outils se retrouvent aussi bien dans l’abri Bourdois et dans la cave Taillebourg, principalement au Magdalénien moyen, mais il semble exister une certaine spécialisation de cet outillage selon les zones.
La répartition des 10 lampes et/ou godets et celle des lissoirs à facettes présentent certaines concentrations topographiques. Pour les premiers, 7 ont été retrouvés dans la cave Taillebourg : 4 regroupés dans la zone appelée « tunnel », et un cinquième trouvé dans le Locus IV voisin. Si, comme le pensait Suzanne de Saint-Mathurin, cette zone correspondait à un passage reliant la cave Taillebourg à l’abri Bourdois, il se pourrait alors que la concentration de tels objets « rangés » à cet endroit ne soit pas due au hasard. À l’inverse, les lissoirs à facettes sont plus nombreux dans l’abri Bourdois. Notons que l’unique exemplaire retrouvé dans la cave Taillebourg provient lui aussi de la zone dite « Tunnel » comme plusieurs lampes et godets. Pour les lissoirs à facettes de l’abri Bourdois, trois se trouvaient à l’intérieur ou à proximité du foyer situé au pied des vénus sculptées. Cette concentration pourrait indiquer une aire d’activité spécialisée. Il faudrait confronter ces données avec d’autres indices topographiques pour pouvoir étayer l’existence d’une aire d’activité liée au travail des peaux dans ce secteur (concentration d’ocre ou de grattoirs, par exemple). Quant aux maillets, trois d’entre eux se trouvaient dans la cave Taillebourg et les trois autres dans l’abri Bourdois. Mais nous ne disposons d’aucune information topographique complémentaire, ce qui est d’autant plus dommage que plusieurs de ces galets portent des traits gravés. L’une des molettes provient du Locus V de la cave Taillebourg, mais la provenance de l’autre est indéterminée. La possible meule a aussi été trouvée dans la cave Taillebourg, sans plus de précision. L’aiguisoir ou polissoir, trouvé dans la même partie de l’abri, provient de F45, ce qui correspond à un énorme bloc resté en place dans l’abri. Comme Suzanne de Saint-Mathurin a partiellement fouillé en sape sous le bloc, on peut supposer que l’aiguisoir se trouvait dessous. Mais la répartition de ces quatre outils est peu informative en raison de leur faible nombre. Notons d’ailleurs qu’ils devaient être beaucoup plus abondants, puisque certains des très nombreux outils abandonnés sur le site présentaient des surfaces usées indiquant un usage en percussion posée ; mais nous ignorons tout de leur localisation topographique originelle.
Il faut noter qu’une proportion non négligeable d’outils portent des traces de colorant. Dans plusieurs cas, ces traces sont si ténues qu’il est possible qu’elles aient été acquises par simple contact avec le sédiment très ocré par endroits. En revanche, certains des outils semblent bien avoir été impliqués dans la préparation du colorant ou son application, soit sur la paroi, soit sur un autre matériau (peau, cuir ?). Ce sont deux des godets et deux des possibles lampes qui ont pu servir à contenir et à préparer du colorant rouge. Deux des maillets ont peut-être servi à broyer du colorant noir dans un cas et à écraser du colorant rouge dans l’autre. Les deux molettes semblent bien avoir été impliquées dans la préparation de colorant, noir dans un cas, rouge dans l’autre, et c’est d’ailleurs ce qui a facilité leur diagnostic ; enfin, l’aiguisoir ou polissoir porte une plage rougie et également lustrée, ce qui évoque l’application d’ocre sur une matière souple telle que de la peau, soit comme abrasif, soit comme colorant. Notons que la majorité de ces objets proviennent de la couche TCC de la cave Taillebourg.
Les lampes, une partie des godets, les deux molettes et le fragment de meule sont des ustensiles destinés à des activités domestiques telles que l’éclairage, la préparation ou la conservation des aliments. En revanche, les maillets, les lissoirs à facettes et les godets à couleur sont liés à des activités techniques : travail des peaux, fabrication d’objets par percussion indirecte légère, ou encore préparation de colorant. La plupart de ces outils semblent liés à l’habitat plutôt qu’à la sculpture de la frise. Dans le cas des outils ayant servi à préparer le colorant, on ne peut affirmer qu’ils aient servi uniquement à la décoration de la paroi puisqu’on sait que le colorant peut avoir d’autres usages techniques.
En plus des ustensiles associés à la préparation du colorant, deux des maillets ont pu être impliqués dans le travail de la paroi. Ces derniers présentent des traces d’utilisation en racloir ou traçoir le long de leurs bords, peut-être acquises lors de l’incision d’un matériau dur comme la paroi rocheuse, mais l’un d’entre eux, daté du Magdalénien supérieur, est postérieur à la réalisation de la frise. Par ailleurs, l’aiguisoir ou polissoir a pu tout autant servir au lissage de la surface de la paroi sculptée qu’à des activités techniques dans l’habitat.
Il est cependant surprenant que ce matériel domestique soit si peu abondant. L’étude présente pourrait être confrontée avec profit au matériel lithique taillé pour évaluer la part de l’outillage en silex réservé aux activités domestiques et celle de l’outillage destiné à la réalisation de la frise pariétale, en particulier pour les opérations de gravure. D’ores et déjà, le fait que le site ait livré une très grande quantité de burins est significatif.
Les lampes
Les godets
Les lissoirs à facettes
Les maillets
Les molettes et le possible fragment de meule
L’aiguisoir ou polissoir
Auteur : Sophie de Beaune
© Réunion des musées nationaux – 2009