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L’habitat est un témoignage vivant du passage des hommes dans un lieu. Il laisse des traces de leurs activités économiques et sociales qui permettent de comprendre l’appropriation d’un espace par ces hommes. Si l’habitation constitue un des traits ethniques les plus apparents, elle n’est cependant pas un « critère d’humanité ; c’est même le fait technique le plus commun à l’homme et aux animaux1 ».
Au Paléolithique, un ensemble de vestiges qui témoignent en un lieu donné d’une installation humaine suffisamment longue pour avoir réalisé une structuration d’ensemble du site peut être interprété comme un site d’habitat. L’analyse des vestiges et de leur répartition spatiale conduit à cerner la partie centrale d’un site d’habitat et l’espace extérieur. Les fouilles de gisements de plein air ont pu mettre en évidence des habitats paléolithiques dotés de véritables architectures (Méziric, Mézin) ou ont permis, à partir du positionnement de pierres de calage, de la répartition différentielle des vestiges, etc., de reconstituer leur plan (Pincevent, Etiolles…). Le plus souvent, cet espace d’habitat s’organise autour d’un foyer, assez facilement identifiable pour l’archéologue.
Sol d’occupation du Magdalénien moyen associé au premier panneau des bouquetins (abri Bourdois), visible au moment des fouilles de Suzanne de Saint-Mathurin
© MAN, fonds Saint Mathurin.
Au Roc-aux-Sorciers, l’analyse des vestiges, de leur nature et de leur répartition pose la question de la nature de l’occupation de ce lieu bien au-delà de la présence des œuvres pariétales. S’agit-il d’un site d’habitat et/ou d’un sanctuaire ?
La topographie, l’orientation plein sud, et la morphologie abritée du site marquent bien le choix des Magdaléniens de venir s’installer ici. Mais quels ont été leur première motivation et leurs premiers critères de choix ? Trouver une paroi apte à recevoir leurs œuvres ou bien s’installer sur un lieu abrité propice à une occupation temporaire mais récurrente ?
Seuls le mode d’organisation des vestiges et la nature des activités qu’ils révèlent pourraient aider à cerner le rôle de cette occupation. Malheureusement, les fouilles relativement anciennes ne livrent que quelques indices, comme une zone potentielle de fabrication des stomach beads dans la cave Taillebourg.
Cependant, on constate le choix d’un lieu abrité, dont l’occupant a pu renforcer la protection, associé à une industrie qui ne se distingue nullement d’une occupation classique pour cette période. À ce jour, l’industrie en matière dure animale en est un exemple : les pointes de flèches en bois de renne sont retrouvées sur le site dans différents états (pièces entières, pièces en cours de fabrication, nombreuses pièces fracturées). Reste à prendre en compte les périodes d’occupation et l’exploitation de l’ensemble des collections de Suzanne de Saint-Mathurin concernant les industries et la faune2 pour apporter de nouveaux éclairages sur la nature de l’occupation du site.
Par ailleurs, il n’est pas avéré que ce lieu ait été occupé en tant que sanctuaire.
La topographie des œuvres et leur organisation relative relèvent des choix des artistes. André Leroi-Gourhan retenait pour les grottes profondes des entités graphiques relevant d’une composition centrale, plutôt liées au diverticule, constituant une composition de pourtour, d’entrée, de passage ou encore de fond. En abri-sous-roche ou sur les porches d’entrée de grottes occupées, d’autres critères sont à prendre en considération, comme les conditions d’éclairage, qui sont indispensables à la lecture des sculptures. « Le passage de la lumière à l’obscurité paraît avoir été pour les Paléolithiques le symbole du passage d’un monde à un autre3. »
En fait, « un site peut présenter un mélange de figurations de signification et d’importance très diverses. Sur un même lieu, il peur y avoir, comme on le voit à Dampier, un art public et un art secret, un art sacré et un art profane, un art réalisé par les adultes, hommes ou femmes, et parfois même des figurations qui sont l’œuvre d’enfants… » […] « De même, un lieu de vie comprend souvent un secteur réservé à des activités rituelles que l’on peut nommer “sanctuaire domestique” 4. »
Les occupations plus récentes qui ne sont pas en relation avec les œuvres pariétales et qui n’ont livré que très peu de mobilier orné, sont plus précisément du type « halte de chasseurs ».
1 A. Leroi-Gourhan, « Résumé des cours de 1973-1974 », in : Annuaire du Collège de France, t. 74. p. 243.
2 L’étude de ce matériel fait l’objet du troisième tome de la monographie actuellement en cours. (Angles-sur-l'Anglin (Vienne). Le Roc-aux-Sorciers : paléoenvironnements et industries, dir. par G. Pinçon, Comité des travaux historiques et scientifiques, 2011, à paraître.)
3 A. Leroi-Gourhan, Leçon inaugurale de la chaire de préhistoire au Collège de France, 5 décembre 1969, Collège de France, Paris
4 M. Lorblanchet, « De l’art des grottes à l’art de plein air au Paléolithique », L’Art paléolithique à l’air libre, le paysage modifié par l’image, Tautavel-Campôme, 7-9 octobre 1999, dir. par D. Sacchi, UMR 5590 du CNRS, Tautavel, GAEP et GEOPRE, 2002, p. 104-105.
Auteur : Geneviève Pinçon
© Réunion des musées nationaux – 2009