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Le site du Roc-aux-Sorciers est localisé au sud-ouest du Bassin parisien, au sein de l’auréole des calcaires du Jurassique supérieur.
L’abri-sous-roche est creusé dans les calcaires d’âge oxfordien supérieur (155 millions d’années environ). Les sédiments qui sont à l’origine de ces calcaires se sont déposés dans un milieu récifal et périrécifal1.
Dans la région d’Angles-sur-l’Anglin, de Saint-Pierre-de-Maillé et de Vicq-sur-Gartempe, un récif corallien a été édifié principalement par des madréporaires (embranchement des Cnidaires). Le récif s’est développé dans une mer chaude, sous un climat tropical ; le paysage devait être semblable à ce que l’on rencontre aujourd’hui sur la Grande Barrière d’Australie. Le Massif central actuel était totalement submergé.
Sur les parois des falaises, ce sable calcaire bioclastique aujourd’hui induré présente des structures décrites sous le nom de Problematica et définies par Gustave Gardet et Jacques Lessertisseur2 dans la localité type de Saint-Pierre-de-Maillé. Elles apparaissent sous forme de stries très contournées passant de l’horizontale à la verticale et soulignant des hétérogénéités de la granulométrie des constituants de la roche et de sa cimentation. Ces structures longtemps énigmatiques, comme leur nom l’indique, sont visibles sur les sculptures en place et sur des blocs conservés au MAN.
Les constructions récifales et les sables périrécifaux, enfouis progressivement sous les sédiments plus récents, se sont entièrement lithifiés pour devenir des roches massives. C’est la présence de ces roches, sur une épaisseur de plusieurs dizaines de mètres, qui explique la formation des falaises, dégagées lors du creusement des vallées depuis un million d’années environ, au cours du Quaternaire.L’observation de la falaise de Dousse montre à sa base un calcaire bioclastique riche en débris de coraux roulés et en fossiles divers sur une épaisseur visible de 50 cm, puis un calcaire bioclastique relativement fin, poreux et tendre, affecté de Problematica. Sur ce dernier calcaire est sculptée sur environ 3 m de hauteur la frise de l’abri Bourdois, entre le niveau bioclastique grossier en pied et un joint de banc karstifié bien visible sur l’encorbellement entre le cheval tournant la tête Ch1 et les bouquetins Bo2 et Bo4. L’examen de lames minces au microscope optique montre que ce calcaire est essentiellement bioclastique, plus ou moins poreux.
Au-dessus et formant un encorbellement, la masse de la falaise, constituée d’un calcaire massif et dur, bioclastique, riche en grands amas de coraux, se développe sur plusieurs dizaines de mètres de haut. Le sommet de la falaise est couronné par un calcaire fin où abondent les moules internes de lamellibranches et de gastéropodes (faciès séquanien des anciens auteurs).
Lorsque les Magdaléniens ont commencé à occuper le site, les configurations morphologiques des deux parties, aval et amont, du gisement étaient bien différentes, offrant des possibilités d’aménagement variées3.
Lors du creusement de la vallée par l’Anglin, un conduit karstique s’est développé parallèlement au coteau dans les calcaires oxfordiens. Ce conduit englobait la cave Taillebourg, sous forme de grotte, et s’ouvrait au bord oriental de l’abri Bourdois.
La cave Taillebourg, zone amont du site, était une large cavité karstique en pied de falaise dont il ne reste aujourd’hui que le fond. La grotte se développait parallèlement à la falaise et se terminait, à l’est, par des conduits karstiques très étroits. La cavité karstique bien développée formait un lieu abrité et facile à fermer. La voûte de la cave Taillebourg offrait une surface saine mais irrégulière du fait de l’érosion karstique et de la présence des amas de coraux noyés dans le calcaire. Elle pouvait supporter les œuvres gravées ou sculptées contrairement aux parois verticales de très mauvaise qualité.
L’abri Bourdois, zone aval du site, est un abri de pied de falaise, peu développé aujourd’hui. À la base de la cavité, la masse gélifractée du calcaire bioclastique devait être moins épaisse que dans la grotte, suite à la purge de pied de paroi lors de décollements de pans de falaise, ou à l’occasion d’une érosion fluviatile de l’Anglin en crue. Cela offrait, après un léger aménagement, une paroi de fond d’abri, décomprimée en écailles, mais assez saine pour recevoir des gravures. Le plafond de l’abri présente une surface karstifiée de calcaire à débris de coraux comme dans la cave Taillebourg.
L’essentiel de la grotte à l’emplacement actuel de la cave Taillebourg avec son plafond sculpté et une partie de l’encorbellement de l’abri Bourdois se sont effondrés pendant le Magdalénien. Ce niveau d’effondrement, bien repéré dans la stratigraphie, est encadré par la couche RSC du sommet du Magdalénien moyen et la couche RSB5 de la base du Magdalénien supérieur. Ainsi, d’énormes blocs tombés, de plusieurs dizaines de mètres cubes, jonchent le pied de la falaise, depuis la cave Taillebourg jusqu’aux abords de l’abri Bourdois. À l’avant de l’abri, les blocs issus de l’encorbellement d’origine sont plus petits, d’un volume de quelques mètres cubes. L’ensemble du site a été enfoui sous les alluvions récentes de l’Anglin et l’écaillage de la falaise jusqu’aux premières fouilles archéologiques.
1 P. Barrier, C. Gagnaison, Carte géologique Le Blanc, Paris, BRGM, 2005.
2 G. Gardet et J. Lessertisseur, « Les “Problematica” rauraciens de Saint-Pierre-de-Maillé », Bulletin du Muséum, 2e série, t. XXVIII, n° 3, 1956, p. 331-334.
3 F. Rouzaud et Y. Le Guillou, in : G. Pinçon, Étude et relevés d’art pariétal. Le Roc-aux-Sorciers (Vienne), rapport d’activités, 1993.
Auteurs : Jacqueline Lorenz, Jean-Pierre Gély
© Réunion des musées nationaux – 2009, mise à jour 2010.