MAN 83304 — BDD 152
Le Roc-aux-Sorciers, cave Taillebourg ; secteur : déblais des fouilles Rousseau.
Calcaire jurassique oolithique.
Long. max. : 45 cm ; L. max. : 32 cm ; Ép. max. : 13 cm.
Fragment calcaire du plafond de la cave Taillebourg ; bon état.
Collection Saint-Mathurin.
Commentaire de Suzanne de Saint-Mathurin :
Référence carnet de fouilles :
Technique : sculpture, incision (en U, en V), piquetage, peinture rouge, peinture noire.
Il s’agit de la représentation d’un profil humain sculpté, mais aussi peint et gravé, d’un rare réalisme.
Le personnage qui occupe la moitié de la surface du bloc regarde vers la droite. La tête est sculptée sur toute la ligne fronto-nasale. Les éléments du visage sont détaillés, avec l’œil, le larmier, les sourcils et la pupille. La bouche est aussi représentée en champlevé, mais elle est en partie fracturée. On peut aussi aisément reconnaître une barbe, des cheveux et un menton.
Tous ces détails allient différentes techniques. Le front est sensiblement fuyant, le nez épaté en forme de pied de marmite et les narines dilatées ; la barbe est courte, les cheveux sont raides et longs (on observe en effet de longs traits gravés, partiellement rehaussés de peinture). De la couleur est visible sur toute la surface du profil humain, du rouge comme du noir. L’ensemble du profil occupe la partie supérieure du bloc, la partie inférieure étant chargée de gravures fines et profondes.
L’identification de ces gravures reste assez difficile, car sans réel élément iconographique reconnaissable. Suzanne de Saint-Mathurin interprétait ces traits comme pouvant représenter des vêtements, mais ces gravures sont trop diffuses pour être interprétables. De schémas en représentations diverses, ce profil humain a pris de multiples formes et revêtu plusieurs apparences. D’un sujet habillé de vêtements et portant une oreille (Saint-Mathurin, 1973, p. 6), il est passé à une représentation figurée avec un « bonnet » possible (Airvaux, 2001, p. 146).
Il en est de même pour le déchiffrement des gravures fines et profondes du registre inférieur du bloc, qui sont interprétées par les différents auteurs comme des « éléments vestimentaires comme de la fourrure » (Airvaux, 2001, p. 146) ou encore comme le résultat d’un « raclage de régularisation » (Duhard, 1996, p. 30).
Les éléments sculptés concernent essentiellement le profil à proprement parler, c’est-à-dire la ligne fronto-nasale et le nez (son dos et sa courbe). Le dégagement de matière qui crée le relief oscille entre 0,5 cm de profondeur et 1 cm par rapport au support. C’est au niveau de la ligne fronto-nasale que l’on atteint le relief le plus profond, avec un dégagement de matière de plus de 1 cm de profondeur. Ce dégagement important explique peut-être l’état de surface sensiblement endommagé au niveau du nez. Nous retrouvons des dégagements de matière marqués au niveau de l’aile et des cloisons nasales. On constate un fort relief au niveau du nez.
La fracture qui débute à la base du nez pour se terminer à hauteur de la bouche ne permet pas d’apprécier complètement le travail effectué à ce niveau. La bouche est partiellement endommagée, ce qui ne laisse entrevoir que des vestiges de gravure très profonde. On peut se demander si elle n’était pas à l’origine sculptée, sans pouvoir aujourd’hui le démontrer. À en juger par les choix techniques utilisés pour représenter la ligne fronto-nasale, nous pouvons supposer l’importance figurative de ce segment anatomique. C’est effectivement cette ligne ondulée qui semble charpenter la figuration, et c’est autour d’elle que se distribuent la ligne de crâne, le menton et l’œil.
Le relief permet de percevoir facilement la face de la figuration et conduit directement vers la piste « humaine » pour l’identification. Le profil pouvait donc être vu avec facilité. Par ce choix technique, cette représentation rentre aisément dans les styles récurrents de représentations sculptées du Roc-aux-Sorciers, et ce malgré le thème choisi. Cette unité technique est aussi visible dans le travail d’égalisation des surfaces devant le relief fronto-nasal par un léger piquetage. Cette façon de faire permet de rendre encore plus visible le profil humain. Avec les jeux de changement de lumière, on parvient à obtenir des rendus assez démonstratifs. Les Magdaléniens ont certainement eux aussi joué avec l’éclairage pour faire apparaître une image ou rendre une sensation particulière. Ceci est d’autant plus probable que la sculpture se prête très bien à ce genre d’approche.
Cette tête humaine présente donc un profil très marqué grâce à l’emploi de la sculpture, avec une expression particulière, notamment avec ce nez en forme de pied de marmite, critère anatomique que l’on retrouve sur certains profils de La Marche (Pales, 1976). L’expression de ce profil se démarque aussi des autres figures de têtes humaines que l’on trouve sur le site (Saint-Mathurin, 1973), mais se rapproche de certains profils de La Marche (Pales, 1976, tê 30 II).
Le reste de la figuration est essentiellement gravé. La technique de la gravure est utilisée tantôt en complément de la sculpture, tantôt de façon indépendante. Les gravures sont très présentes, variées en nombre et en forme, et ne se concentrent pas uniquement autour du profil, mais elles se répartissent tout autour de lui. En observant les gravures, la partie inférieure du bloc semble définir un « monde à part ». On perçoit très nettement deux types de profondeurs de traits, l’un très marqué, allant jusqu’au champlevé (contour des yeux), et l’autre très fin (sourcils). En coupe, on observe que les gravures sont soit en U, soit en V. Les gravures profondes renforcent le contour des yeux et le menton.
Dans la partie inférieure du bloc, on trouve également des traits profonds, mais ils ne traduisent pas d’éléments figuratifs comme sur le profil. En revanche, les gravures fines viennent très souvent compléter la sculpture au niveau du nez et de la ligne fronto-nasale. Par ailleurs, on observe un jeu entre la gravure fine et profonde. En effet, à de multiples reprises, les gravures fines viennent terminer un trait commencé par une gravure profonde, et cela de façon très marquée (par exemple quelques traits gravés au-dessous du menton). Le trait se compose de deux types d’incisions qui ne font pas partie du même geste technique. Par ailleurs, certaines gravures fines sont à associer à la fabrication d’un trait profond. Ainsi, ces jeux de gravures fines-profondes sont très présents dans la zone de la coiffure, où l’on peut observer de longs traits associant les deux techniques. Ces gravures semblent jouer aussi avec le piquetage, tantôt en étant interrompu par lui, tantôt passant par-dessus.
Ces superpositions posent la question de la chronologie des actions sur ce bloc. On remarque entre la ligne fronto-nasale et le sommet du crâne un déplacement technique de la sculpture vers la gravure fine, en passant par la gravure profonde ; c’est-à-dire que sur un même segment anatomique, on a une utilisation progressive de trois techniques différentes. Il serait intéressant de voir si, sur d’autres figurations, on observe le même phénomène de « glissement » technique.
Ainsi sur le profil, la gravure est un des moyens privilégiés pour exprimer les détails anatomiques, et quand ce n’est pas le cas (ligne fronto-nasale par exemple), elle vient en complément d’une autre technique : la sculpture. L’œil est formé à partir d’une association de gravures fines-profondes, comme c’est également le cas pour les traits de la zone de la coiffure. Sur la joue, des traits particulièrement profonds ressortent. Les chercheurs ont maintes fois fait mention de ces traits, les interprétant comme des tatouages ou des scarifications (Saint-Mathurin, 1973, p. 16). Il est vrai que l’on peut aisément les séparer du reste de la figuration humaine, car ils sont très bien marqués, mais rien ne permet d’être catégorique quant à leur signification.
Suzanne de Saint-Mathurin note également sur ce profil la présence d’une oreille. Un examen minutieux permet de mettre en évidence un ensemble de traits formant un arc de cercle. Mais les gravures sont très fines et émoussées. C’est pourquoi nous préférons rester prudent sur une identification éventuelle. En effet, la figuration de l’oreille sur les profils humains est extrêmement rare dans l’art paléolithique.
Le menton est bien visible et la bouche devait être, à l’origine, très travaillée, comme le montrent encore les quelques traits visibles dans cette zone. Nous observons par ailleurs des gravures très fines et courtes semblant figurer une barbe. D’autres traits profonds soulignent un cou plutôt court et étroit, mais ouvert à sa base. L’œil est complété par des cils et des sourcils gravés à l’aide d’incisions légères ou profondes. Cet œil est un des exemplaires les plus travaillés de ceux relevés dans le corpus des profils humains.
La zone inférieure du bloc comporte également de nombreuses gravures, mais elles semblent avoir un caractère très différent. En effet, elles sont en plus grand nombre que sur la figure humaine, et leurs distributions diffèrent selon leur nature. Les gravures profondes sont très marquées et suivent des trajectoires parallèles : elles vont toutes vers une même direction (plus ou moins verticales). Compte tenu de l’organisation de ces gravures profondes, on pourrait penser à un grattage, mais cela est difficilement interprétable.
Vu l’agencement des traits (gravures fines et profondes), il est difficile de se montrer catégorique. Celui-ci plaide vers une interprétation plus complexe qu’un grattage, car quelques gravures fines ne suivent pas le mouvement parallèle horizontal des gravures profondes. Celles-ci semblent prendre des formes bien distinctes, formant des cercles, des ovales, des formes plus variées. Elles sont difficilement interprétables, mais nous pouvons néanmoins identifier des yeux isolés. Ce type de figuration est présent à La Marche (Pales, 1976). Cela renforce une identification allant dans ce sens.
D’autres formes existent mais elles restent indéterminées. Le lien entre le registre supérieur (le profil) et le registre inférieur (forte densité de gravures) reste difficile à cerner. Nous n’avons pas nettement identifié la présence d’un groupe de gravures pouvant figurer un vêtement, comme suggéré par certains auteurs. La question de la continuité entre ces deux registres reste par conséquent à approfondir.
L’étude de la gravure amène à une première conclusion. Il existe deux zones distinctes : une propre à la tête humaine de profil, l’autre supportant un ensemble de gravures fines pour l’instant indéchiffrables.
L’étude des traces de couleur est tout aussi intéressante et révèle également un niveau technique élevé, utilisé pour mettre en évidence ce profil humain. Grâce à une conservation favorable, de nombreuses traces de coloration sont encore visibles sur la surface malgré l’ancienneté de la pièce. Deux couleurs sont concernées : une teinte rouge et une teinte noire, tendant parfois vers l’ocre-brun.
À partir des résultats fournis par l’étude iconographique, un premier constat peut être fait : la couleur est soit en association avec le profil humain, soit en indépendance. On observe, de plus, que la couleur rouge et la couleur noire sont indépendantes et séparées l’une de l’autre. La plupart du temps, elles ne sont pas en superposition ni même en association, sauf au niveau de la joue, où le rouge et le noir semblent être associés. Ces deux couleurs s’excluent généralement l’une de l’autre sur tout le bloc. Cela est évident sur le sommet du crâne, et dans la zone inférieure du bloc. Ainsi, chaque couleur semble avoir un rôle, une action expressive particulière.
La couleur noire est largement plus associée au profil que ne l’est la couleur rouge. Sur le menton, le noir s’associe avec les gravures fines et profondes pour figurer la barbe et la ligne du menton, et contrairement à ce que pouvait affirmer J.-P. Duhard (1996), celle-ci est très nettement figurée. La présence de cette barbe permet donc d’envisager la figure comme masculine (et non comme féminine, Duhard, 1996, p. 60). L’intérieur de l’œil est également peint en noir (iris), ainsi que le nez. Des traces de couleur sont aussi visibles au niveau de la coiffure. On voit donc que la couleur noire participe activement à la figuration du profil en accentuant des parties anatomiques, ce qui cadre bien avec le style d’Angles. En effet, la couleur vient très régulièrement accentuer les détails anatomiques des animaux, notamment le noir sur les sabots des pattes des bouquetins in situ (abri Bourdois).
En revanche, il semble que la couleur rouge joue un autre rôle. Elle ne paraît pas explicitement liée au profil, mais occupe la partie périphérique de celui-ci. Le rouge est très présent dans la zone inférieure du bloc, associé à des gravures profondes verticales. Ainsi, ce bloc paraît avoir été utilisé comme un support artistique à plusieurs reprises, au cours desquelles le profil a toujours été respecté. Phénomène de reprise qui n’étonne pas à Angles, où on observe sur les bisons de la frise in situ des stigmates de retaille. La couleur rouge succède très nettement à la couleur noire au niveau du sommet du crâne (courbe crânienne). Ces deux couleurs se juxtaposent, sans toutefois se mêler. De ce fait, la couleur rouge semble encadrer le profil, le faire ressortir. On constate seulement à deux reprises que la couleur rouge prend un caractère plus direct avec le profil humain : des taches de couleur rouge sont visibles autour de la ligne fronto-nasale ainsi qu’autour de l’œil, où elles viennent en complément de la gravure fine surligner le sourcil.
À quelques rares endroits les deux teintes paraissent être étroitement associées : au niveau de la joue, et dans une partie de la zone inférieur du bloc. Geneviève Pinçon et Ludmila Iakovleva notent qu’une couleur ocre-brun ressort sur les pommettes (Pinçon et Iakovleva, 1997, p. 137). L’observation des superpositions des traces de couleur comparée aux traits liés à la gravure ou à l’état de surface permet d’établir une chronologie relative d’exécution.
Au niveau de la coiffure, la couleur noire vient se poser sur les enlèvements dont l’origine anthropique a pu être déterminée. L’application de la couleur est donc postérieure à ces enlèvements et renforce l’idée d’une préparation de la surface par piquetage avant coloration pour figurer la chevelure. Sur la zone du visage et de la coiffure, il semblerait que les gravures aient entamé la peinture noire. Ceci pose la question des choix esthétiques de représentation : les artistes ont-ils gravé une surface peinte pour faire ressortir la coiffure ? En d’autres endroits, la couleur est également accidentée par des enlèvements de matière, anthropiques ou naturels. C’est le cas des zones rouges dans la partie inférieure de la pièce, où l’on constate nettement que des gravures très profondes viennent interrompre la coloration. Au-dessus de cette zone rouge, la coloration noire est interrompue par des éclats a priori naturels.
Avec ces observations sur la couleur, nous sommes en droit de penser que la surface était à l’origine abondamment colorée, comme l’avait d’ailleurs déjà constaté Suzanne de Saint-Mathurin (1950, p. 7) et comme l’attestent les anciennes photographies. La coloration prend plusieurs aspects : elle surligne des détails anatomiques (au niveau de l’œil), encadre la figuration (courbure crânienne) et enfin, complète la gravure et la sculpture (ligne fronto-nasale). Ce profil offre une variété technique où la couleur joue un rôle prépondérant.
La couleur sur ce bloc a bénéficié d’analyses physico-chimiques visant à mieux comprendre sa composition. Quatre prélèvements ont été effectués : un noir à l’intérieur de la barbe (AN12), un rouge sous la barbe, dans la zone de grattage en périphérie de la figuration (AN13), un autre rouge sur le haut de la tête (AN14) et enfin un ocre rouge-brun sur la joue (AN15).
Une très grande homogénéité des matières picturales apparaît. Les matières picturales rouges sont obtenues par un mélange de pigment naturel, d’oxyde de fer et d’argile. La couleur noire présente une particularité puisqu’elle est issue d’un mélange d’oxyde de manganèse et d’oxyde de fer avec également ajout d’argile. Cette préparation réalisée grâce à deux pigments de couleurs différentes pourrait résulter de deux phases d’exécution. Dans ce cas, le mélange serait dû à une superposition des matières picturales rouges et noires ; cette hypothèse est d’ailleurs renforcée par l’examen à la loupe binoculaire qui montre que le noir et le rouge ne sont pas mélangés.
Cette argile présente dans la composition des quatre échantillons, comme d’ailleurs sur la plupart des blocs étudiés, est une caractéristique qui suppose une préparation particulière de la matière picturale. Cette argile joue le rôle de charge. En effet, ajoutée à des pigments naturels, elle renforce la cohésion de la substance et facilite le recouvrement de la matière sur le support. Il y a donc ici un investissement technique évident et une préparation spécifique de la couleur. La composition de cette argile n’est cependant pas identique pour les quatre préparations. Elle est identique pour la teinte noire et la teinte ocre rouge-brun, avec une présence d’éléments traces similaires. On peut donc supposer qu’il s’agit ici d’un même « pot de peinture ».
À l’inverse, les deux autres matières picturales rouges sont associées à une argile dont la composition est très différente, ce qui induit l’utilisation de deux pots. Un seul des échantillons présente une coloration ocre rouge-brun (AN15). Lors du prélèvement, nous avions observé une couleur très foncée (rouge bordeaux, mélange rouge-noir) ; nous présupposions donc qu’il s’agissait d’un mélange de deux pigments. Or, les résultats obtenus montrent qu’il s’agit en fait d’un mélange créé à partir d’un seul pigment, le rouge. Cette teinte est due à la présence d’un oxyde de fer, en l’occurrence de l’hématite très pure. L’argile qui lui est associée ne joue qu’un rôle de charge et ne modifie pas la coloration. La nuance foncée de cette teinte pourrait résulter d’un broyage grossier du pigment. En effet, nous savons que l’hématite, à l’état naturel, peut avoir une coloration tirant sur le noir. Nous pouvons ici conclure qu’il y a bel et bien préparation de la matière par ajout de charge, et non par un mélange de pigments. La polychromie a joué un rôle important, puisqu’elle a servi non seulement à rehausser le relief sculpté mais aussi à accentuer certains détails anatomiques (œil, barbe, coiffure...). Il y a donc concordance entre la technique de fabrication de la matière picturale et le rôle supposé de la couleur.
Ainsi, ces différentes constatations laissent supposer des stratégies conditionnant l’utilisation des pigments. Les artistes du Roc-aux-Sorciers connaissaient et maîtrisaient les minéraux présents dans leur environnement et ils ont fait une sélection des pigments qui leur semblaient les plus appropriés. Certains ont été utilisés à l’état brut, et d’autres intégrés à des préparations selon une seule et même recette. Il y a donc eu des stratégies d’approvisionnement différentes, ce qui est suggéré par l’existence de différents « pots de peinture ». Tous ces éléments contribuent à renforcer l’idée d’une organisation élaborée autour de la pratique artistique de la peinture.
C’est au cours des fouilles de Pâques 1949 qu’est découverte cette dalle épaisse, portant sur une de ses surfaces la sculpture d’un profil humain regardant vers la droite. Au vu de la qualité esthétique et réaliste de la figuration, il est alors surnommé par ses inventeurs « le Jocond », ou « Joco », en référence à la Joconde. Ce bloc montre très rapidement tout son intérêt, et des termes comme « portrait » ou encore « profil réaliste » sont utilisés pour qualifier cette figuration. En effet, c’est la première fois qu’un profil humain aussi bien détaillé est découvert, ce qui exacerbe l’imaginaire des préhistoriens. Le bloc a été découvert dans les déblais des fouilles de Lucien Rousseau à proximité de la sculpture d’un protomé de jeune bouquetin et d’un poitrail d’animal. Ces trois figurations sont sculptées grandeur nature. La chute de ce bloc est due à l’effondrement naturel de la paroi qui s’est produite à la fin du Magdalénien moyen, scellant ainsi différentes occupations du site, il y a environ 14 000 ans. Ce bloc appartenait donc à l’ensemble sculpté du plafond de la cave Taillebourg à l’époque magdalénienne. Il est fracturé sur tous ses côtés de façon naturelle, et on ne constate pas de traces de fractures anthropiques. La volonté de figurer un humain est très claire, et le niveau technique déployé pour sa représentation montre qu’il devait être vu par tous. Un moulage a été réalisé au temps de Suzanne de Saint-Mathurin, et est également conservé au MAN. Ce bloc fait partie du premier don fait à l’État par Suzanne de Saint-Mathurin. Après une longue exposition dans les salles publiques, il se trouve actuellement dans les réserves pour des questions de conservation. Les surfaces ne portant aucun vestige de gravure, sculpture ou peinture sont brutes d’éclatement et correspondent bien à des zones de fractures naturelles. La surface ornée présente de nombreuses irrégularités, mais celles-ci se lisent aisément grâce à une très faible érosion. L’enfouissement du bloc après sa chute a certainement favorisé cette bonne conservation. La zone concernant la coiffure a un aspect très écaillé, travaillé par petits piquetages, donnant à la zone une apparence qui détonne avec la surface du reste du bloc assez lisse. La zone piquetée s’arrête au commencement de la joue et du menton. En effet, sur ces parties du profil, on ne remarque pas le même type d’enlèvements. Il s’agit pour le haut de la tête d’écailles naturelles anciennes. Il est plus que probable que la figuration de la coiffure (si souvent mentionnée dans la littérature) ait été rendue de cette manière par différenciation de type de surface. L’effet de flou et de volume propre à la chevelure est traduit par ce piquetage. Cela amène notamment à rejeter l’idée de représentation d’un bonnet (Airvaux, 2001). Des chevelures sont figurées sur d’autres représentations comme à La Marche (Pales, 1976), mais celles-ci ne sont pas accompagnées de piquetage. En dehors de cette zone piquetée, le reste de la figuration et le reste du bloc présentent des surfaces de natures variées, qui peuvent être très abîmées par des gros éclats, parfois lisses. Des fractures naturelles viennent interférer dans la lecture de la pièce : ainsi, un éclat ampute la grande majorité de la bouche. La partie inférieure gauche du bloc est, elle aussi, victime d’éclats de fracture naturels, qui endommagent un bon nombre de traits gravés. La partie supérieure du bloc, juste au-dessus de la courbe crânienne, est très émoussée, la surface y est plus lisse, sans fracture venant parasiter les observations. Visiblement, toutes les fractures dont souffre le bloc sont anciennes et naturelles. Cependant, nous observons quelques fractures plus récentes dont nous ignorons la provenance, qui entraînent notamment la décoloration de la surface. Nous ne savons pas exactement dans quelle position fut trouvé le bloc, s’il gisait face contre terre, ou si la totalité de la pièce, ou une partie seulement, était recouverte de sédiment. Mais au regard de l’état général, la dalle a sûrement bénéficié de conditions de conservation favorables, permettant la préservation des surfaces mais aussi de la polychromie et des gravures fines nombreuses.
I. Auzanne, « La couleur sur le site du Roc-aux-Sorciers (Angles-sur-l’Anglin, Vienne) : caractérisation des matières picturales utilisées par les artistes magdaléniens dans la cave Taillebourg », mémoire de DEA, université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001
I. Auzanne, E. Desroches, G. Pinçon, « Bilan d’interventions sur le site magdalénien du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (86, France). Restauration, analyse de la polychromie et relevé numérique 3D », L’Art avant l’Histoire, la conservation de l’art préhistorique (10es journées d’études de la SFIIC), Paris, 23-24 mai 2002, 2002, p. 221-241.
J.-P. Duhard, « Réalisme de l’image masculine paléolithique », L’Homme des origines, Jérôme Millon, Paris, 1996, 242 p.
O. Fuentes, « La question du réalisme dans l’art paléolithique et le problème de l’identité culturelle à travers l’étude des têtes humaines isolées des sites magdaléniens du Roc-aux-Sorciers », mémoire de maîtrise, université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2000, 116 p., 15 p. annexes.
O. Fuentes, « À la recherche des indices identitaires de la figuration humaine dans l’art magdalénien du Sud-Ouest français », mémoire de DEA, université Paris I Panthéon-Sorbonne, 2001, 58 p., 3 pl.
D. Garrod, « Finding the earliest realistic portrait in the history of man : The amazing discovery of 12,000-year-old works of art », The Illustrated London News, Londres, July 16, n° 5752, vol. 215, 1949.
L. Pales, M. Tassin de Saint-Péreuse, Les Gravures de La Marche, tome II : Les Humains, Paris, Orphys, 1976, 178 p., 42 fig., 188 pl.
L. Iakovleva, G. Pinçon, Angles-sur-l’Anglin (Vienne). La frise sculptée du Roc-aux-Sorciers, RMN, CTHS, 1997, 168 p.
S. de Saint-Mathurin, « Les bas-reliefs et la frise sculptée d’Angles-sur-l’Anglin (Vienne) », Institut français d’anthropologie, séance du 15 mars 1950, 1950, p. 6-8, 1 fig.
S. de Saint-Mathurin, « Bas-relief et plaquette de l’homme magdalénien d’Angles-sur-l’Anglin », Antiquités nationales, n° 5, 1973, p. 12-19.
I. Auzanne, O. Fuentes, « Le “sorcier” du Roc-aux-Sorciers à Angles-sur-l’Anglin (Vienne, France) : nouveaux éléments d’analyse », Antiquités nationales, n° 35, 2003, p. 41-54.
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 138
Bloc sculpté et gravé, BDD 141
Bloc sculpté et gravé, BDD 142
Bloc sculpté et gravé, BDD 143
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 145
Bloc sculpté et gravé, BDD 146
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 147
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 149
Bloc sculpté et peint, BDD 151
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 166
Bloc sculpté et gravé, BDD 167
Bloc sculpté et gravé, BDD 168
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 169
Bloc sculpté et gravé, BDD 170
Bloc sculpté et gravé, BDD 171
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 166
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 169
Figures animalières gravées, BDD 276
Tête de capridé gravée, BDD 285
Bloc sculpté et gravé sur deux faces, BDD 123
Gravures fines et vestiges de sculptures et de peinture, BDD 321
Registre de gravures fines, BDD 292
Registre de gravures fines, BDD 322
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 120
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 127
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 129
Bloc gravé et peint à anneaux, BDD 331
Bloc sculpté et gravé sur deux faces, BDD 123
Bloc sculpté et gravé, BDD 137
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 138
Bloc sculpté et gravé, BDD 141
Bloc sculpté et gravé, BDD 142
Bloc sculpté et gravé, BDD 143
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 145
Bloc sculpté et gravé, BDD 146
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 147
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 166
Cheval sculpté (« cheval de la découverte »), BDD 235
Bison sculpté (« bison couché »), BDD 236
Cheval sculpté (« cheval inclinant la tête »), BDD 237
Bison sculpté (« bison en boule »), BDD 248
Tête humaine sculptée, BDD 249
Gravures fines et vestiges de sculptures et de peinture, BDD 321
Bouquetin sculpté (« bouquetin tournant la tête »), BDD 251
Bouquetin sculpté (« étagne », « bouquetine »), BDD 257
Tête de capridé sculptée, BDD 268
Tête d’équidé sculptée, BDD 271
Vestiges de sculptures, BDD 284
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 120
Bison sculpté in situ, BDD 121
Animal indéterminé sculpté in situ, BDD 122
Bloc sculpté et gravé sur deux faces, BDD 123
Bloc sculpté monumental, BDD 124
Bloc sculpté et gravé, BDD 137
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 138
Bloc sculpté et gravé, BDD 141
Bloc sculpté et gravé, BDD 142
Bloc sculpté et gravé, BDD 143
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 145
Bloc sculpté et gravé, BDD 146
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 147
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 149
Bloc sculpté et peint, BDD 151
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 166
Bloc sculpté et gravé, BDD 167
Bloc sculpté et gravé, BDD 168
Bloc sculpté, gravé et peint, BDD 169
Bloc sculpté et gravé, BDD 170
Bloc sculpté et gravé, BDD 171
Geneviève Pinçon, Aurélie Abgrall, Camille Bourdier, Oscar Fuentes
Dernière modification de la notice : 2008-04-18
© Réunion des musées nationaux – 2009
Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : cliché de la face ornée..
© MAN, RMN, ill. Jean-Gilles Berizzi, 1997.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé analytique complet de la face ornée..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé de l’état de surface..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé de la zone piquetée..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé des éléments sculptés..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé des gravures profondes..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé des gravures fines..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé de la peinture rouge..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : relevé de la peinture noire..
© MAN, Geneviève Pinçon, Oscar Fuentes, ill. Oscar Fuentes, 2001.
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Proposition de restitution du « Sorcier » (BDD 152) par Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod..
© MAN, RMN, ill. Thierry Ollivier, 2007.
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Proposition de restitution du « Sorcier » (BDD 152) par Suzanne de Saint-Mathurin et Dorothy Garrod..
© MAN, RMN, ill. Thierry Ollivier, 2007.
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Bloc MAN 83304 de la cave Taillebourg (BDD 152), dit « le Sorcier » : légende du relevé analytique..
© MAN, Geneviève Pinçon, ill. Aurélie Abgrall, 2008.